Nous avons eu la surprise de trouver récemment l'article suivant dans le Ouest France :
Dans le
bâtiment où se sont installées les soeurs de Notre-Dame de Charité du
Bon Pasteur à leur arrivée à Angers, en 1829, sont exposés quelque 250
ans d'histoire religieuse et sociale.
La visite des 700 m² du musée s'ouvre sur le hall d'entrée. Au
centre de celui-ci, les couleurs de toiles imprimées : avant la création
de la communauté du Bon Pasteur en 1829, les bâtiments abritaient une
manufacture textile. À l'histoire de ce bâtiment du XVIe siècle s'ajoute celle de la communauté des sœurs.
«
Qu'allez-vous faire pour les aider ? » L'apostrophe d'une passante à
saint Jean-Eudes (1601-1680), le fondateur, est inscrite à plusieurs
reprises comme un fil conducteur de ce nouveau musée qui vient d'ouvrir
ses portes à Angers. Elle avait poussé le fondateur de Notre-Dame de
Charité à se dédier aux plus démunis, elle interpelle maintenant le
visiteur.
La seconde section retrace aussi le parcours de la
fondatrice, sainte Marie-Euphrasie Pelletier (1796-1868), canonisée en
1940. Une religieuse en avance sur son temps : elle avait osé recueillir
des détenues mineures ou encore aider une femme tombée enceinte d'un
homme déjà marié.
L'objectif de la communauté était l'instruction
et l'apprentissage pour donner aux femmes leur autonomie. Salles de
classe, leçons de sport, cours de dactylographie... les photographies
prises dès les années 1850 pour diffuser les œuvres retracent cette
histoire.
Dans l'ancien dortoir est présentée la vie quotidienne
des sœurs au fil des siècles. Au milieu des objets d'époque, des
témoignages audio racontent des vies d'exception.
« Nous voulons apporter une réponse moderne de compassion pour notre temps. »
La troisième section retrace la mission sociale de la congrégation,
depuis les origines jusqu'à leur présence internationale actuelle en
tant qu'ONG.
Aujourd'hui, la congrégation Notre-Dame de Charité du
Bon Pasteur s'étend dans 70 pays sur cinq continents. Le musée est donc
un retour aux sources, pour en retracer l'histoire. Et à partir de là,
communiquer l'action sociale des sœurs : leur travail auprès des plus
démunis, en particulier des femmes en difficulté, est au cœur de leur
mission.
Un peu agacées par le ton élogieux de l'article quant à cette maison d'enfermement pour jeunes filles, nous avons donc décidé de réagir en adressant un courrier à Ouest France dans l'espoir qu'il soit publié. Voici notre réponse :
A l’attention du courrier des lecteurs du Ouest France
Objet :
article sur l’ouverture du Musée du Bon Pasteur
Bonjour,
Dans
votre numéro OF du 13 juillet 2016, vous annoncez l’ouverture du
Musée du Bon Pasteur à Angers.
Nous
avons été très choquées de lire la présentation qui en est
faite.
Le
Bon Pasteur, décrit ici comme une Institution religieuse ayant
recueilli de pauvres femmes en détresse, dirigé par « une
religieuse en avance sur son temps » qui « avait osé
recueillir des détenues mineures ou encore aider une femme tombée
enceinte d'un homme déjà marié. », présentait un revers de
médaille tout autre.
Sous couvert de proposer « l'instruction et
l'apprentissage pour donner aux femmes leur autonomie. » il
s’agissait officieusement de les rendre dociles, obéissantes et en
faire des bonnes mères de famille bien gentilles et bien braves, et
ce par des moyens pas très « catholiques ».
Nous savons en effet aujourd’hui que les jeunes
femmes et les filles enfermées (contre leur gré et pour des raisons
aussi futiles que d’être soupçonnées d’avoir fricoté avec un
jeune homme) subissaient de nombreuses humiliations quotidiennes,
châtiments corporels, blessures non soignées, elles devaient se
plier aux corvées et se retrouvaient victimes d’horreurs infligées
par ces « bonnes sœurs ». Par exemple, dès leur
arrivée, on leur bandait fermement la poitrine, on leur coupait les
cheveux, et on leur apprenait à dire « oui ma sœur. »
Celles qui finissaient leur grossesse et accouchaient au Bon Pasteur
se voyaient séparées de leur enfant. Les jeunes filles n’avaient
pas le droit de dormir avec les bras sous les couvertures :
elles devaient les garder visibles toute la nuit. Une surveillante
effectuait des rondes dans les dortoirs pour maintenir l’ordre…
S’il advenait qu’une jeune fille désobéisse ou présente la
moindre résistance à quoi que ce soit dans l’institution, elle se
voyait contrainte d’exécuter de nombreuses corvées, parfois très
humiliantes. Certaines jeunes filles ont même subi des attouchements
sexuels de la part des bonnes sœurs, qui n’étaient visiblement
pas si abstinentes que cela… Et certaines sont restées plus de 15
ans dans ces établissements.
Combien de femmes, de mères, de grand-mères se
souviennent encore en silence et dans la douleur de ces horribles
années ? Combien d’entre-elles n’ont jamais pu évoquer ces
douloureux moments de leur enfance ? Certaines ont toutefois pu
sortir de l’ombre et sont venues témoigner, dans un ouvrage qui
s’appelle «
Enfances volées. Le Bon Pasteur. Nous y
étions. » écrit par Michelle-Marie Bougelot. En
écho à cet ouvrage,
trois soirées conférence et témoignages avaient été organisées par Le Collectif Émancipation en octobre 2014 et d’anciennes résidentes étaient venues témoigner avec
beaucoup de courage. Ce fut un moment douloureux pour beaucoup de
personnes présentes.
Nous demandons à ce que les victimes de cette
affreuse et honteuse machination soient respectées, que cette
institution qui maltraita trop de jeunes filles à Angers au nom de
la religion ne reçoive pas de publicité élogieuse et que chacun et
chacune prenne conscience que de tels établissements ne devraient
plus être cités comme des exemples aujourd’hui en 2016, à
l’heure où l’on tâche de respecter les droits des enfants et
des femmes.
Nous vous remercions de l’attention que vous
pourrez porter à notre message et espérons qu’il sera publié
dans un prochain numéro.
Le Collectif Émancipation d’Angers
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