Dans
un contexte de recrudescence de l'islamophobie, le Collectif
Emancipation a voulu réfléchir à la situation des femmes voilées
dans notre société.
GlossaireRacisé-e Ce terme désigne les personnes (noires, arabes, rroms, asiatiques, musulmanes, etc.) renvoyées à une appartenance (réelle ou supposée), à un groupe ayant subi un processus à la fois social et mental d’altérisation sur la base de la race. Les « racisé-e-s » sont celles et ceux qui appartiennent (réellement ou non) aux groupes ayant subi un processus de « racisation ». La racisation est un processus psychologique, social, historique, politique de construction des races.Cisgenre: (équivalents : Femme biologique ou Homme biologique) Personne dont le genre coïncide (grosso modo) avec son sexe. Par exemple, une personne possédant un corps femelle et se sentant femme.
Ainsi,
en regardant 10 ans en arrière, notons 2 lois majeures : celles
de 2004 et 2012.
(cf tableau)
La
loi du 15 mars 2004 sur « les signes religieux ostentatoires »
permet l'exclusion d'élèves portant un voile ou un couvre-chef
(bandana, bérets, chapeau...). Les établissements scolaires les
assimilent au voile dès lors qu'ils sont portés par une élève
musulmane. Ces exclusions
peuvent avoir lieu devant des conseils de discipline ou être
silencieuses avec la simple non présentation des élèves voilées,
qui craignent les humiliations et les mauvais traitements, à la
rentrée scolaire.
Nous
sommes, de la même manière, opposé-e-s à la circulaire Châtel de
mars 2012 qui permet aux directeurs et directrices d'établissement
de refuser l'accompagnement des sorties scolaires aux mères voilées.
Nous
ne sommes pas dupes, ces lois qui ont
été votées sous
l’étendard du féminisme sont des lois racistes
et islamophobes.
Nous
ne voulons pas d'un féminisme raciste et impérialiste qui dit aux
femmes non blanches comment s'émanciper.
Nous
nous opposons à l'idée que le féminisme blanc, bourgeois, cis,
hétéro soit le modèle unique d'émancipation des femmes.
Ces
lois sont racistes, car elles
prétendent que le voile serait imposé aux femmes au nom de la
religion.
Nous ne nions pas le fait que, sans doute, le voile est imposé à
certaines femmes.
De
la même manière que le système patriarcal impose énormément
d'injonctions
aux
femmes en général (temps partiel, maternité, travail
domestique...), et impose aux femmes d'occident en particulier une
injonction à la sexualisation du corps (maquillage, minceur,
épilation intégrale...). Le voile ne doit pas être considéré
comme une
plus grande oppression que la sexualisation du corps. Nous refusons
l'idée que les femmes blanches seraient plus émancipées que les
femmes musulmanes et/ou racisées. Nous voulons que la parole des
femmes voilées ou non soit entendue, que les femmes voilées ou non
parlent pour elles-mêmes. Nous luttons pour la liberté des femmes
sans aucune distinction.
Ces
lois laissent entendre que la domination des hommes musulmans et/ou
racisés sur les femmes serait plus importante que celle des hommes
blancs.
De
tout temps, on veut nous faire croire que la violence des hommes
musulmans et/ou racisés serait plus importante que celle des hommes
blancs.
Le
contexte actuel nous montre bien cela.
L’état
d'urgence et le projet de modification de la constitution
stigmatisent les personnes racisées
et assimilent donc le terrorisme à l'islam, le terrorisme aux
personnes non blanches, le terrorisme à la pauvreté.
En
effet, ce
projet de réforme de la constitution propose la déchéance de
nationalité pour les binationaux et binationales né-e-s
français-e-s qui représentent une menace pour la sûreté de l’État
montre qu'il existe bien des français-e-s de secondes zones et que
le terrorisme serait du fait des ces personnes « pas tout à
fait françaises ».
Cette
violence des hommes racisés qu'on juge extraordinaire aurait comme
premières
victimes
les femmes.
Les
hommes musulmans voileraient de force les femmes, leur imposeraient
de rester au foyer, leur interdiraient de
prendre la parole. Nous refusons cette idée. Actuellement, c'est
l'Etat français qui isole les femmes voilées en leur interdisant
l'accès à l'école et qui les muselle en ne tenant absolument pas
compte de leur parole sur ce qui les concerne elles en premier lieu.
Les
femmes voilées sont, en plus, considérées comme étant complices
de cette violence.
En
effet, on estime que leur voile désigne les femmes non voilées
comme des cibles potentielles des violeurs.
Cette
idée est,
d'une part complètement absurde car un
voile
n’empêche pas
d'être violée et,
d'autre part raciste car elle suppose que les hommes musulmans
seraient plus violeurs que les autres. Il faut rappeler que des viols
ont lieu dans tous les milieux sociaux, religieux... et que les viols
les plus répandus sont commis par une personne de l'entourage de la
victime
qui
n'a donc rien à
voir avec l'appartenance religieuse ou le port du voile. De plus, une
grande partie des auteurs de violences conjugales sont des hommes de
pouvoirs (médecins, avocats, etc ) qui sont pour la plupart
blancs. Malgré les idées reçues, les violences ne sont donc pas
l'apanage des hommes pauvres et racisés.
Les
femmes voilées sont les premières victimes de l'islamophobie.
Au
nom d'une norme occidentale et d'un racisme d’État, elles sont
exclues de l'école, des sorties scolaires, du monde du travail...
Elles subissent les agressions verbales et physiques. Désormais, on
les accuse de complicité de terrorisme et on les somme de se
désolidariser d'actes qui n'ont, évidemment, rien à
voir avec elles.
Alors
non, ces lois ne sont pas féministes car elles ne prennent pas en
compte la parole de toutes les femmes!
L'émancipation
doit tenir compte de
toutes les appartenances sociales, religieuses ou non, raciales,
sexuelles, de genre...
Et pour aller plus loin :
Contexte
socio-historique, fait sociaux
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Lois,
décrets, circulaires
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1905 | Des libres penseurs militent pour un enseignement libre et laïc ; le peuple en a marre de l'implication de l’Église dans toutes les institutions |
Loi
sur la séparation des Églises et de l’État qui a marqué
l’aboutissement d’une laïcisation affirmée.
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1920 jusqu'aux années 60 |
Les
deux grandes Guerres détruisent la France, qui appelle à
l'immigration pour faire de la main d’œuvre afin de se
reconstruire… Cela fait des décennies que les immigré-e-s sont en France et
leurs familles les rejoignent.
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Années 70 | Industrialisation massive, choc pétrolier, moins de besoins humains dans les usines, le chômage grimpe, c'est la crise : le FN se crée (1972), les idées racistes commencent à s'exprimer | |
Fin
des années 80
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L’affaire
du voile islamique provoque des polémiques : des
collégiennes de Creil sont exclues parce que voilées (1989)
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19
décembre 1989 : Le Haut Conseil à l'Intégration
est créé par un décret dans le contexte des premières
« affaires du foulard », il amène une jurisprudence
qui appelle à la responsabilité des établissements en notifiant
que "le port du foulard ne peut être une raison suffisante pour
exclure des élèves" et demande d'examiner les situations au cas
par cas.
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1990 | Trois élèves voilées sont virées d'un établissements ; les parents portent plainte contre le chef d'établissement, les enseignants se mettent en grève au nom du respect de la laïcité. |
1994 :
La circulaire Bayrou distingue le port
des symboles discrets des signes ostentatoires, elle est adressée
aux recteurs d'académie.
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Entre 1994 et 2003 | Une centaine d'élèves sont exclues… Gronde des enseignants, Chirac s'appuie sur B. Stasi pour commencer à élaborer une loi pour éviter les cas par cas car cela ne satisfait plus les établissements. | 2004 : Loi sur le port des signes religieux ostensibles dans les écoles et lycées publics (voiles, kippas, grandes croix) |
2010 | Mouvement des retraites, Contre-sommet de l'OTAN, Alliot-Marie s'exprime sur les manifestant-e-s masqué-e-s en manif, présumé-e-s être les plus virulent-e-s (« casseurs ») | Octobre 2010 : Loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public : cette loi fait alors d'une pierre deux coups, contre les manifestants et contre les femmes voilées ! |
2012 | Un sondage IFOP pour Le Figaro daté d'octobre indique que 63 % des Français se déclarent opposés au port du foulard dans la rue et 28 % y sont indifférents. | La circulaire de mars 2012 ( Luc Chatel) permet aux conseils d'école de refuser les présences de femmes voilées dans les sorties scolaires. |
2013 | Un autre sondage effectué du 19 au 21 mars 2013 par l'IFOP pour Ouest-France indique que plus de huit Français sur dix (84 %) se déclarent opposés au port du voile ou du foulard islamique par des femmes travaillant dans des lieux privés accueillant du public. | Peillon pond la Charte de la laïcité : « (...) Le port de signes ou tenues par lesquelles les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». |
2015 et maintenant... | le Ministère de
l'Education Nationale a pris ses distances avec la circulaire
Chatel, même si celle-ci n'a pas été abrogée. En termes jurisprudentiels, la dernière décision est celle du tribunal administratif d'Amiens, qui vient d'annuler une directive émanant de l'inspecteur académique (DASEN) qui interdisait les mères voilées d'accompagner les sorties scolaires… à suivre |